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Un négatif en couleurs

par DELMAS Magali 27 Octobre 2013, 20:13 Nouvelle

Un négatif en couleurs

Merci à Marie-Adrienne Carrara grâce à qui j'ai pu écrire cette nouvelle alors que je ne m'en serais jamais sentie la plume...Pour elle, le temps d'une nouvelle, je mes suis glissée dans le costume de l'écrivain...et des prochaines j'attends les lendemains...Merci!

Que les belles âmes, comme la tienne qui brise les chaînes qui nous retiennent, errent du côté des coeurs généreux qui sont peu nombreux...car c'est le parfait duo pour être enfin soi à travers les mots qu'on emploie et qui révèlent subtilement ce qu'on ne perçoit...qu'avec le coeur...

A tous nos écrits à venir et au bel avenir de notre amitié.

En un mot comme en cent : Merci.

MD

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« Point final ». La porte claqua derrière Elle.
Les rayons d’un soleil rougeoyant dardaient frileusement pour aller
mourir dans le flou d’une nuée ambrée aux confins de l’horizon.
Malgré leur chaleur encore pénétrante, ils ne parvinrent à réchauffer
son cœur empourpré par la colère noire, encore palpitante, d’avoir été,
comme à l’accoutumée, érigée en héroïne principale du sombre drame
réalisé par sa mère.

Propulsée dans les profondeurs des méandres d’un mal noirâtre
sournois qui vous poursuit comme la plus dédaigneuse marâtre aigrie
que l’on fuit dès qu’on l’aperçoit; là, tapie dans l’ombre lugubre de sa
peine teintée de ses bleus et aveuglée par ce besoin irrépressible de
prendre le large, elle ne remarqua pas immédiatement le spectacle qui
se jouait sur la scène de ce ciel sans nuage. Derrière leurs rideaux de
velours aux reflets moirés invisibles à cette heure du jour, c’est avec
une vive joie qu’elle se jette d’ordinaire dans les bras de ces drôles de
personnages imaginaires au costume tantôt argenté, tantôt bleuté, pour
s’envelopper de leur réconfort certes onirique, mais qui a ce pouvoir de
l’emporter sur son absence réelle si pathétique. Ces derniers se donnent
la réplique à tour de rôle et sont autres à chaque instant- formes
cotonneuses d’un blanc immaculé mouvantes au gré du vent- alors que

ceux qui peuplaient sa vie étaient toujours et immanquablement les
mêmes fantômes grisés par l'amertume du ressentiment.

Elle avait, selon les dires de tous- proches et inconnus- « tout pour être
heureuse ». Expression qui ne serait que le reflet de ce qu’elle « paraît
être » au regard brun assassin de ce monde qui traque la perfection et
chasse hors de ses frontières – soi-disant dorées – les marginaux guidés
par le talent artistique de leurs idéaux empreints des camaïeux de leurs
passions et craintes les plus profondes.

Purple avait une allure folle de celles qui, sur leur passage, les foules
affolent-élancée, fine, du haut de son mètre soixante-dix, sa silhouette
longiligne lui conférait la taille mannequin qu’elle n’arborait pourtant
pas. Elle ne savait en jouer car elle ne se voyait pas à travers ce prisme
qui fait de vous une fleur majestueuse aux pétales d’un rouge éclatant,
vermillon passion ou écarlate qui épate. Non, elle se sentait comme un
aimant démagnétisé esseulé, un diamant sans éclats à côté duquel on
passe mais sur lequel on ne se retourne pas. Transparent au point
d’être invisible…C’est ce qu’on lui avait intimé d’être sans façon ni
contrefaçon !

Derrière sa chevelure indomptable aux reflets auburn, elle se cachait
du monde pour mieux l’observer et le teinter de ses couleurs
chatoyantes quand, ses jours il assombrissait de sa touche de noirceur
comme un visage de taches de rousseur. Le bout de son petit nez
retroussé venait à poindre à travers l’épais voile soyeux de ses
cheveux, lorsqu’elle se sentait en confiance et son visage aux traits fins
et gracieux faisait alors son entrée théâtrale comme une comédienne
sur les planches une fois sa timidité apprivoisée. Un physique
avantageux qui aurait rendu plus d’un homme heureux et plus d’une
jeune femme sûre d’elle, mais elle avait revêtu la pâle tenue de l'ange
sacrificiel déchu se brûlant toujours les ailes.

La caresse délicate du vent l’enveloppa comme l’auraient fait des bras
aimants, l’extirpant de ce cauchemar qu’elle se rejouait inlassablement
sur l’écran immaculé de ses yeux.
Des cristaux de larmes d'un bleu cristallin, perlèrent à l'orée du lagon
de son regard obscurci par les courants tortueux de funestes tourments.
La fenêtre de ses yeux s’ouvrait sur la tragédie de sa vie.
C’était toujours le même refrain qui au coeur vous met un frein : "Fais-toi
toute petite!"
Niée dans sa personne, Elle l'avait été à de trop nombreuses occasions.
Purple constituait l'objet des effusions colériques sanguines de sa mère
depuis qu'elle s'était démarquée de son aîné par son caractère docile –
effacé en apparences- et son amour inconditionnel à son égard tout
autant qu'à celui de son père. Elle incarnait la petite fille fade sage
comme une image incolore, digne d'être érigée en modèle d’anonymat,
de transparence, parce que collant immanquablement aux attentes et
desiderata de tous ceux qui l'entouraient sauf aux siennes.
De cette vie on lui demandait d’être spectatrice, de jouer le scénario
que l’on avait écrit pour elle sans dire son mot sans un de trop, d’être
en toute circonstance "celle" qu’il faut comme une poupée de cristal
érigée sur un piédestal.
Aujourd'hui, il y avait une ombre de trop à ce tableau déjà trop
ténébreux. Imaginez-vous face à une toile. Sa vie ressemblait à un
abîme des affres de l'enfer. La palette des teintes étaient le reflet de ses
plaintes refoulées allant du noir corbeau- oiseau de mauvais augure
qui ne présageait en rien un futur plus lumineux- au gris anthracite en
passant par d'autres tons gris confus autant que pouvait l'être son
esprit chaque fois qu'elle se rebellait pour être elle-même. Mais cela,
elle n'y parvenait pas, on ne lui laissait pas le choix ; elle était comme
un planeur-caméléon se confondant avec le gris de Payne d’un ciel
menaçant avant l’orage- qui n'est rien sans l'autre au bout du fil;
comme un funambule dont la vie ne tient lui aussi, qu'à un fil. Tout

semblait cousu de fil blanc et pourtant le canevas de son vécu prenait
des allures de conte violet laissant derrière lui celui des fées.
Elle se sentait comme une chaîne que l'on traîne parce qu'on ne peut
s'en défaire d'où cette photo de sa vie sur laquelle on ne distinguait
qu'une mer de fer déchaînée, un ciel bleu nuit fendu de la foudre et une
étoile filante dont la trajectoire incertaine se distinguait à peine comme
si le bleu d’indanthrène de la nuit profondément endormie avait
déteint sur elle ou voilée de sa traîne.
Arrêt sur cette image de sa vie en noir et blanc, un négatif que l’on ne
voudrait en aucun cas réimprimer; un duo mortel où le noir et le blanc
ne se baladent pas main dans la main mais où la mort prend le pas sur
le souffle de la vie ; un roman photo aux couleurs délavées du passé
dont le récit serait celui d’un jour noir qui se réplique à l’infini. Un
dessin animé par les desseins de ses pairs dont l’avenir griffonné par
une mine argentée vous dépeint un enfer aux couleurs chaudes du
paradis...
Artiste elle voulait être mais une bonne petite fille elle serait et un
métier de col blanc rassurant pour ses parents elle ferait ! Son frère, de
ses frasques multicolores aux conséquences pour lui indolores, étaient
comme cette bruine londonienne, en apparence sans importance, mais
qui vous pollue en permanence par son omniprésence, des gouttes
verdâtres qui s'infiltrent sournoisement dans la fibre de vos vêtements
comme de fines aiguilles et vous pénètrent jusqu'aux os pour vous
avilir bien comme il faut.
Lui, l'original à la plastique idyllique comme sculptée, poupon au teint
blafard, de porcelaine de chine, dont les yeux verts -de vipère perçants,
vous piquent au vif, vous hypnotisent et vous rallient à leur
cause même la plus malveillante et déroutante. Lui, il ne pouvait
qu'être cet Artiste brillant de mille feux, sur qui se tournent tous les
yeux-les noirs, les bruns, les noisette, les verts, les bleus : le profond, le
turquoise jusqu’à l’ardoise- et qui de tout autre se détournent aveuglés

par ce musicien prodige érigé en nouvelle idole. Il va sans dire qu'à

côté de cet Arlequin, elle, elle n'était rien. Lui, paré de son habit de
lumières: du rouge sang- qu'il fait couler -de sa passion musicale, du
camaïeu de noirs aux mille facettes de sa méchanceté acerbe; du blanc
d’argent éclatant de ses dents trop parfaites et trop longues qui rayent
le parquet- qui vous vampirisent jusqu'à vous déposséder de l'ultime
goutte de sève de vie pour s'en abreuver- ;et de l'orangé du halo de son
charisme.
Elle, elle prenait des allures fantomatiques, siamoise de l'ombre de son
ombre : le sang dans ses dernières heures noires de profond désespoir,
morte d'avoir refoulé sa raison d'être, – la chanson –, les cendres dans
leurs heures de gloire – d'avoir perdu l'espoir de n'être que le pendant
extrême de l'égoïsme et l'égocentrisme de son aîné-; la transparence du
manteau neigeux poussé à son paroxysme ne brillant mieux que par
son absence, invisible en tout lieu.
"Parolière je serai car parolière je suis! Les mélodies sont mes
compagnes de vie et j'écrirai celles qu'on ne vit".
"Mais tu n'as pas les pieds sur terre! Sois réaliste! Tout le monde rêve
d'apposer son nom au pied d'une chanson et de suivre son règne,
triomphant de son bleu roi majestueux en ce royaume des mots
mélodieux. Mais beaucoup de prétendants pour un nombre de places
infime, de pages noircies, de nuits blanches pour un nom et un renom
éphémères! Ton frère, lui, a de l'or dans les doigts, c'est un génie il en
vivra!"
"Lui sa musique, moi mes mélodies, chacun son art, chacun son âme.
Deux êtres peuvent vivre indépendamment l’un de l’autre bien que liés
par les liens du sang. Le succès de l’un ne peut en aucun cas engendrer
la mise à mort de celui qui survient en un autre temps ! »
Être l’aîné, c’est jouir de la primauté en tout. Cela comprend de
nombreux atouts, mais le pendant de cette primeur peut engendrer
votre plus grand malheur! En cadette, on intimait à Purple de se
contenter des maigres miettes cramées laissées par son frère, et ce
dernier n’étant pas doté d’un coeur généreux, elle restait sur sa faim.
La roue tourne, forte de cette conviction, elle aurait érigé haut
l’emblème de sa raison d’être- l’écriture- sur le territoire musical de son
aîné où leurs parents ne lui avaient réservé qu’une parcelle aux tons
terre de Sienne brûlée. La patience et l’abnégation sont des couleurs
discrètes qui ne dénotent en aucun cas mais dont les nuances subtiles
percent un jour sans fausse note et font sensation sur le podium de la
réussite- et de secondaires elles deviennent primaires !
On ne lui avait pas décerné la couronne de laurier rouge d’alizarine
cramoisie du génie de la famille ? Sacrement qui pèse davantage qu’il
n’élève, comme un boulet qu’on traîne après qu’il nous ait mis du
plomb dans l’aile! Que tous portent le Roi des Ténèbres et l’acclament
de leur danse funèbre ! Danse, mais garde à l’esprit que le prestige est
fugace…Gare à ses vertiges si au-dessus des autres tu te places ! Paré
de ces éclats en or plaqué, érigé au firmament en Musicien aux doigts
d’or, un faux pas hors du tapis céleste bleu roi qu’on te déroule, et de
ton nuage blanc de céruse tu ne sentiras pas le vent tourner ni même sa
plus cruelle ruse ; la chute n’en sera que plus longue, plus rude ; les
courants des eaux troubles dans lesquels tu plongeras t’emporteront
dans les sables mouvants jaunes souci, te réduiront à néant et de la
gloire tu porteras les tons noir d’ivoire ! C’est le revers de la médaille
de celui qui, aux dépens de tout flatteur, vit ! Du soleil ardent du Brésil
tu rêveras sous les cieux sanguinolents de ton exil.
Elle, elle s’en passait aisément car, pour Purple, sa plume représentait
son joyau le plus beau- brillant des couleurs invisibles dont l’éclat n’en
est que plus vif parce que contrastant avec l’obscurité du monde
alentours – ; de cette parure aux brillants les plus nobles elle s’embellirait
tout au long de sa vie d’artiste.
« L’étoile qui brillait dans l’ombre » était le titre du roman de sa vie et
elle entendait bien se la jouer ainsi : « la femme de l’ombre » qui, des
nuances caméléon de ses mots, enlumineraient les talents cachés des
artistes qui se méconnaissent pour assurer leur entrée dans la lumière
et que les fans et experts les reconnaissent !
C’est une certitude, de la pâleur et platitude de cette vie en noir et
blanc, elle avait eu le premier rôle trop souvent, ressenti les coups bas
des engagements rompus. Son coeur affaibli était tout courbatu de
s’être trop battu car, de toutes les couleurs il en avait vu. Les bleus à
l’âme feront d’elle une grande Dame, sa plume d’or sera son sésame et
sa meilleure arme blanche…
Le rêve bleu prit enfin corps quand elle signa sa première chanson de
son nom pour une chanteuse de renom…CG.

« Un négatif en couleurs »


Si pour toi tout est noir ou blanc
Et s’apparente aux faux-semblants
Si de tes souvenirs d’enfance
Tu retiens des couleurs l’absence
C’est que l’Amour s’est délavé
Que le bonheur s’en est allé
La photo n’est certes pas claire
Mais un négatif en couleurs
Redonnera un souffle à ton coeur
Teintera de joie tous tes pleurs
Tu n’sras plus une âme solitaire
Avec c’ négatif en couleurs
Si pour toi tout est à pile ou face
Et s’apparente à une belle farce
Si de tes souvenirs de coeur
Tu retiens des coups la ferveur
C’est que l’Amour s’en est allé
Que le bonheur s’est délavé

La photo n’est certes pas claire
Mais un négatif en couleurs
Redonnera un souffle à ton coeur
Teintera de joie tous tes pleurs
Tu n’sras plus une âme solitaire
Avec c’ négatif en couleurs
Je t’en prie sèche tes larmes
Avec c’négatif en couleurs
La passion tu verras dans le drame
Dans la haine, l’Amour qui se trame
Avec c’négatif en couleurs
Plus la petite fille mais la femme
Ce petit négatif en couleurs
Prends-le c’est ton porte-bonheur »


Sa vie était désormais à l’image de celle qu’elle projetait gamine, toute
sage qu’elle était. Elle vibrait, brillait dans la voix d’une autre, femme
de l’ombre elle était et de la photo en noir et blanc de sa vie elle avait
tiré le « négatif en couleurs ».
Pour la première fois, Purple se sentait exister « par » et « pour » elle-même.
Parée des couleurs de son accomplissement, elle ne souffrirait
plus d’aucun renoncement. Elle allait annoncer la couleur à ses parents.
Parolière elle était, une Artiste et de sa plume elle vivait !
« J’ai signé. Je suis Parolière et je vais me dédier à cette vocation. Je ne
vous demande pas votre bénédiction, c’est un fait qui ne subira aucun
retournement de situation.L’affaire est classée. Point final ! ».
Le conte pris fin. Après ce souffle de vie, elle devait reprendre le cours
de la sienne. C’est à contrecœur qu’elle quitta le sable brun et encore
chaud de la plage – et redescendit de son nuage – pour emprunter le
chemin du retour vers la maison après avoir refermé le manuscrit de
son premier livre : « Point Final ». La porte claqua derrière elle.

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